Bonsoir, bon dimanche, et merci, Jean-Paul PARFU.

Votre remarque sur les biais cognitifs, car il me semble vraiment qu'il s'agit bien de cela, est absolument fondamentale.

Je vous cite :

" En fait, il y a souvent un petit nœud intellectuel à défaire, qui n'est presque rien, et auquel on ne pense pas, tellement c'est bête.

En économie par exemple, beaucoup de gens pensent que les hommes au pouvoir fabriquent la monnaie et s'en mettent plein les poches. Lorsque vous faites preuve de pédagogie, que vous leur dites qu'une bonne économie, ce sont des entreprises qui fonctionnent, un bon environnement culturel et économique, l'apprentissage etc..., ils pensent donc que vous tentez de les enfumer. Vous, vous pensez : je ne comprends pas ce qu'ils ne comprennent pas ou peut-être finalement qu'ils ont compris quelque chose qui m'échappe. En réalité, non ! Il y a un blocage dû a des idées très naïves, y compris chez des gens qui "portent bien", paraissent très rationnels et éduqués. "

1. D'une part, à la fin des années 1980, je suis tombé par hasard sur un texte d'une page, écrit par un évêque, et consacré au dimanche.

Ce texte était à la fois affligeant et indigent, je voyais bien que c'était le cas, que quelque chose "n'allait pas", mais je ne voyais pas pour quelle raison profonde ce texte était à la fois "lourd", dans sa forme, et "léger", sur le fond.

J'en ai parlé à ma mère, qui n'a quasiment jamais rien lu de sa vie, en philosophie et en théologie, mais qui a à la fois beaucoup de bon sens et une foi profonde, et je lui ai donc dit ce qui me tracassait, en présence de ce texte, et que je n'arrivais pas à identifier.

Sa réponse a fusé : il y avait, comme vous l'écrivez, "un petit noeud intellectuel à défaire", et il a été défait, devant moi, par ma mère, d'un geste sûr, à toute vitesse :

"Cet évêque a écrit ce texte-là, de cette manière-là, parce qu'il veut que les gens croient que la religion chrétienne est une religion du bonheur, et parce qu'il ne veut pas qu'ils sachent qu'elle est la religion du salut !"

Ce déblocage instantané, en une seule phrase, m'a vraiment fait "un bien fou", non seulement ce jour-là et cette année-là, mais aussi au moins au cours des vingt-cinq années qui ont suivi, pour ne pas dire jusqu'à aujourd'hui. En une seule phrase, ma mère avait tout dit.

2. D'autre part, à la fin des années 1990, j'ai entamé par hasard une discussion avec un collègue, sur la question des réformes propices au financement des retraites.

Je n'entre pas dans les détails, mais quelqu'un, René Teulade, venait de sortir un rapport absolument délirant sur et pour l'absence de réformes pour consolider le financement des retraites.

Et mon collègue de déduire de la lecture des grandes lignes de ce rapport que la croissance du PIB garantirait, pour ainsi dire, à elle seule, le financement des retraites, dans les prochaines décennies...

J'étais médusé, car j'avais en face de moi une personne qui avait entre Bac + 5 et Bac + 8, et qui ne semblait pas capable ou désireuse de comprendre que dans un pays dans lequel les fonctionnaires sont de plus en plus nombreux, avec des retraites qui étaient alors de plus en plus généreuses, par rapport au secteur privé, il faut augmenter sans cesse la pression fiscale, sur les entreprises et sur les ménages, pour financer tout cela, cette augmentation indéfinie ayant pour effet de peser, chaque année un peu plus, sur la croissance du PIB...

3. Certains, il me semble, ont tendance à confondre libre arbitre et libre examen, et à dire que le recours à des capacités de réflexion personnelle, notamment face à des expressions ou à des omissions hétérodoxes, dont se rendent responsables des clercs catholiques, est d'inspiration protestante ou, en tout cas, "protestantisante".

Mais ce n'est absolument pas le cas, car le catholique qui recourt ainsi à ses capacités de réflexion personnelle, à chaque fois qu'il y a "un petit noeud intellectuel à défaire", peut très bien recourir à ces capacités tout en prenant appui sur l'Ecriture et sur la Tradition, et tout en prenant en compte le Magistère.

4. D'autres, me semblent-ils, ont tendance à considérer qu'il est impossible qu'un clerc catholique, ayant un doctorat de philosophie et/ou un doctorat de théologie, se rende responsable d'une approximation, d'une contre-vérité, ou d'une extrapolation infondée.

Or, c'est au contraire tout à fait possible : qui n'a jamais rencontré de ces personnes, très cultivées, très diplômées, mais d'autant plus asservies ou fascinées par des systèmes de pensées erronés qu'elles sont très cultivées, et d'autant plus capables ou désireuses de faire en sorte que d'autres personnes se fassent circonvenir par l'un ou l'autre de ces systèmes qu'elles sont très diplômées ?

C'est pour cela qu'il ne faut absolument pas se laisser impressionner par les clercs, au sens large, qui, en ce qui concerne certains d'entre eux, sont bien moins des éclaireurs que des enfumeurs, même s'ils ont un CV et un jargon apparemment impressionnants.

Après tout, on trouve, aujourd'hui encore, des ouvrages qui paraissent, en théologie catholique fondamentale contemporaine, des ouvrages apparemment impressionnants, car volumineux. Or, le contenu de certains de ces ouvrages n'a de sens que si la pétition de principe sur laquelle reposent ces ouvrages a elle même du sens, ce qui veut dire, a contrario, que si jamais cette pétition de principe n'a pas beaucoup de sens, le contenu de l'ouvrage concerné, aussi volumineux soit-il, n'a pas davantage de sens qu'elle...

Bon dimanche.

Scrutator.

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