Le Charisme de Saint Pierre d’après Saint François de Sales par Paterculus 2017-02-15 22:20:12 |
Imprimer |
Tiré de "Saint François de Sales" par E. J. Lajeunie op, p. 262 ; et recopié par mes soins sur un manuscrit qu'un ami m'a fait parvenir (je n'ai pas eu accès au livre lui-même). Je crois qu'il y a matière à réfléchir aujourd'hui...
La dialectique salésienne en ce domaine épineux revenait à ces articulations majeures : la structure de l’Eglise évangélique comprend la primauté de Pierre, roc inébranlable de l’édifice du Christ, confirmateur et pasteur universel, possesseur des clés dont ses collègues n’ont que l’usage ordinaire ; ces prérogatives ne sont pas strictement personnelles, mais lui sont attribuées « principalement pour le bien de l’Eglise », dont elles constituent les fonctions nécessaires. Or, la structure de l’Eglise, instituée pour « la consommation des saints » (Eph 4, 12) doit durer jusqu’à « la consommation du monde » (Mt 28, 20) ; les fonctions nécessaires à cette structure doivent donc durer comme elle et se transmettre en elle par voie de continuation et, dès lors, le successeur de Pierre à Rome doit hériter de ses prérogatives indispensables au bien universel de l’Eglise ; à qui le nierait, il incomberait de prouver que Pierre eût à Rome deux sièges, l’un comme évêque de la ville, l’autre comme pasteur universel « pour la monarchie du monde. » (I/68-76, 91, 229-317)
Bèze avait fortement critiqué l’argument de la succession : l’Eglise évangélique, disait-il, n’a pu se reconnaître à cette marque ; les anciens docteurs n’ont pas recours à ce critère de la succession personnelle contre les hérétiques ; cette « droite succession » enfin n’a pas de base dans l’Ecriture. A l’idée de succession pure, le prêtre de Genève substituait l’idée de mission et de fonction nécessaire et trouvait ainsi le fondement solide du passage des clés de Pierre à ses successeurs. Le nerf de la preuve tenait à la fonction ecclésiale de la primauté : « le maniement des clés est promis à Saint Pierre en particulier et principalement, puis, en après à l’Eglise ; mais principalement pour le bien de l’Eglise… comme il advient en toutes charges publiques. » (I/242) La fonction ecclésiale de la primauté, nécessaire au temps de l’Eglise apostolique, l’est bien plus de nos jours, où « chacun s’aime soi-même », où « personne ne veut se tenir au dire d’autrui ni subir la discipline. » Si les Apôtres, « si fermes et si puissants », éclairés du Saint Esprit « de si près, avaient besoin de confirmateur et pasteur pour la forme de leur union, combien plus maintenant l’Eglise en a nécessité, quand il y a tant d’infirmités et de faiblesses dans les membres de l’Eglise. » (I/274-275) Et d’autant plus que l’Eglise ne peut toujours être réunie en Concile : n’étant jamais exempte de doutes et de divisions particulières capables de troubler l’unité générale, elle a donc « toujours besoin d’un confirmateur infaillible auquel on puisse s’adresser, d’un fondement que les portes de l’enfer, et principalement l’erreur, ne puissent renverser… : les successeurs de Saint Pierre ont tous ces mêmes privilèges qui ne suivent pas la personne, mais la dignité et la charge publique. » On sait que cette page lue en manuscrit au Concile Vatican I convainquit plusieurs Pères encore indécis. (I/305, n°1)
Pour autant, on ne tombait pas dans l’idolâtrie papistique. Ni Pierre ni le Pape ne sont les successeurs du Christ, puisqu’il est toujours le chef vivant de son Eglise ; ni le Pape, ni l’Eglise visible ne s’interposent entre le Christ et nous pour l’insertion essentielle de la vie divine : la loi nouvelle, pour le principal, est intérieure ; son énergie, comme on l’a vu, monte en nous des profondeurs invisibles de l’Eglise, de son Chef, le seul saint. (1) Le Pape, comme Céphas, ne soutient l’Eglise qu’appuyé sur le Christ, la seule pierre angulaire ; il n’est infaillible que s’il « enseigne toute l’Eglise comme pasteur ès choses de la foi et de mœurs générales », conformément à l’Ecriture, conformément à l’Ecriture, mais pour les cas particuliers qui dépendent du fait humain », et dans ses opinions personnelles, comme docteur privé, il peut errer, être même « du tout hérétique », et s’il est « hérétique exprès », il tombe « de son grade hors de l’Eglise », laquelle selon les uns doit le priver ou selon d’autres le déclarer privé de son siège. On ne s’adresse donc pas à lui comme à un « docte homme car en cela il est ordinairement devancé par plusieurs autres, mais comme au chef et pasteur général de l’Eglise. » Soulignons ce mot qui contient le nerf de l’argumentation salésienne : le pape est le « pasteur universel » du troupeau du Seigneur qui lui a dit : « pais mes brebis, pais mes agneaux » sans restriction aucune ; ainsi le pape est le pasteur des pasteurs eux-mêmes : « Le Saint-Esprit est conducteur de l’Eglise, il la conduit par son pasteur ; qui donc ne suit pas le pasteur, ne suit pas le Saint-Esprit. » (I/312-314)
(1) La doctrine salésienne s’accorde ici parfaitement avec la pensée de Saint Thomas qui, bien comprise, pourrait, entre nous et nos frères séparés, faire tomber la grande équivoque. La loi nouvelle pour le principal est directement inscrite et régie par Dieu seul dans le cœur des hommes, tel est l’esprit. La lettre est pourtant nécessaire, mais à titre secondaire, comme un dispositif pour l’accueil et l’usage de l’Esprit ; par la parole et par l’écriture nous avons besoin d’être instruits de vérités à croire et des actes à produire, mais sans l’esprit intérieur, sans la grâce de l’Esprit-Saint nous guérissant le cœur, « même la lettre de l’Evangile tuerait. » (Ia IIae, q. 106, a 1 et 2) Nous admettons l’inspiration intérieure, mais dans ce conditionnement extérieur qui nous est garanti par l’enseignement et le gouvernement de l’Eglise.
Soutenir le Forum Catholique dans son entretien, c'est possible. Soit à l'aide d'un virement mensuel soit par le biais d'un soutien ponctuel. Rendez-vous sur la page dédiée en cliquant ici. D'avance, merci !
|
108 liseurs actuellement sur le forum |