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Je vais essayer de vous répondre.
par Scrutator Sapientiæ 2017-07-23 10:02:48
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Bonjour, bon dimanche et merci, Aigle.

Il me semble ce qui suit.

1. D'une manière générale, au moins depuis le début du pontificat de Jean-Paul II, les clercs catholiques, dans leur très grande majorité,

- acceptent de moins en moins, ou le moins possible, de s'exposer au risque de déplaire à leurs interlocuteurs croyants non chrétiens, ou à celui de déranger leurs interlocuteurs croyants non chrétiens, notamment dans l'ordre du croire humain en Dieu, et dans celui de la distinction entre l'erroné et le révélé, le faux et le vrai, l'illuminé par Dieu et l'imaginé par l'homme, l'exprimé, l'informé, l'inspiré, l'institué, l'orienté par Dieu, et l'amputé, le déformé, l'ignoré, l'occulté, l'oublié par l'homme, sur le plan théologal ;

- acceptent de plus en plus, ou le plus possible, de considérer qu'il est plus charitable, plus chrétien, plus conciliaire, comme on l'a dit hier, plus évangélique, comme on le dit aujourd'hui, d'attribuer aux religions non chrétiennes des valeurs susceptibles d'être considérées comme humanistes, que de rappeler que les religions non chrétiennes, qui sont erronées, en ce qui concerne l'identité de la médiation et du Médiateur entre Dieu et les hommes, sont réellement erronées, pour ce qui a trait à cette même identité.

2. Parmi les raisons avant tout d'ordre intellectuel, et non seulement d'ordre relationnel, pour lesquelles nous avons assisté, à l'intérieur de l'Eglise catholique, et dans les années 1980 et 1990, à la quasi euthanasie de la distinction entre les religions erronées et la religion révélée, il y a des raisons qui sont d'ordre philosophique, bien plus que d'ordre théologique.

Globalement, nous sommes en présence de clercs catholiques

- qui ne veulent plus avoir une approche "axiomatique" ou "principialiste" d'inspiration thomiste ante-conciliaire,

- qui préfèrent souvent avoir une approche avant tout anthropologique, herméneutiste et personnaliste, axiologisante,

- qui préfèrent parfois avoir une approche avant tout civilisationnelle, historiciste et périodiciste, contextualisante,

- qui n'ont souvent jamais entendu parler d'une approche à la fois "analytique" et "aléthiste" de la religion en général, de la religion chrétienne et des religions non chrétiennes, en particulier.

3. L'approche avant tout anthropologique, herméneutiste et personnaliste, axiologisante, est à peu près celle d'après laquelle il est jugé possible

- de dire que les religions sont toutes à la fois d'inspiration divine et d'origine humaine, d'où la notion d'approche anthropologique et la notion d'homo religiosus,

- d'interpréter les diverses religions, avec un parti pris de bienveillance sur ce qui est considéré comme leur intention fondamentale, d'où la notion d'approche herméneutiste,

- d'interpréter cette intention fondamentale, avec un parti pris de bienveillance sur ce qui est considéré comme sa mise au service de la personne humaine, d'où la notion d'approche personnaliste,

- d'interpréter cette mise au service de la personne humaine, avec un parti pris de bienveillance sur les valeurs qui sont considérées, en acte ou en puissance, comme situées au sein ou autour de cette mise au service, d'où la notion d'approche axiologisante.

4. L'approche civilisationnelle, historiciste et périodiciste, contextualisante, est plus ou moins celle selon laquelle il est jugé possible de dire ce qui suit :

a) à chaque forme de civilisation correspond un type de spiritualité ou, si l'on préfère, l'histoire des diverses civilisations peut déboucher sur une histoire des diverses spiritualités, presque sans distinction entre les spiritualités qui mettent vraiment en relation avec Dieu et celles qui ne mettent pas autant, ou pas du tout, en relation avec Dieu,

b) à chacune des périodes qui structurent l'histoire du christianisme correspond un paradigme interprétatif, qui contribue à une appréciation des religions non chrétiennes, ce qui importe étant que chaque période, en arrivant, apporte son paradigme avec elle, que chaque période, en s'en allant, emporte son paradigme avec elle, et que la succession de ces paradigmes débouche sur une appréciation pouvant être considérée comme étant enfin chrétienne ou christique,

c) dans le contexte de la mondialisation, ce qui importe le plus n'est pas que les différents chrétiens communiquent Dieu, Père, Fils, aux croyants non chrétiens, mais que les différents croyants cohabitent entre eux, dans le cadre d'une éthique mondiale non avant tout inspirée par le seul vrai Dieu, mais avant tout orientée vers "le seul vrai homme" : l'homo postmodernus, qui fonctionne enfin à l'émancipation de chacun, à l'égard de certains préjugés ou de certaines prénotions, en matière religieuse et en matière morale, et à l'unification entre tous, avant tout en vue du bonheur terrestre.

5. Dans le cas de Jean-Paul II, je suis moi-même tombé de haut quand j'ai pris connaissance des origines intellectuelles les plus probables de sa conception personnelle de la religion en général, de la religion chrétienne, des religions non chrétiennes, et du dialogue interreligieux, en particulier.

Je ne pense pas me tromper beaucoup en disant que Jean-Paul II a cru et a fait croire qu'il est possible d'être à la fois catholique et inspiré par un mode de raisonnement plus ou moins situé à l'intérieur de la figure géométrique formée par la réunion des points suivants : d'un côté, sinon Husserl, du moins Scheler et Jaspers ; de l'autre côté, sinon Rosenzweig, du moins Buber et Lévinas.

Or, il n'y a pas besoin de faire référence à l'éventuelle influence de Rudolf Steiner sur le jeune Karol Wojtyla pour avoir de quoi être inquiet sur le degré de crédibilité de la compatibilité, ou sur le niveau de fiabilité de la complémentarité entre une conception catholique exclusiviste, mais pas suprémaciste ni théocratique, et une conception catholique inclusiviste wojtylienne, l'inclusivisme lubacien me semblant plus précis ou plus prudent que l'inclusivisme wojtylien.

6. Peu importe, en un sens, car depuis début 1979, donc depuis bientôt quarante ans, la conception actuellement dominante du dialogue interreligieux étant bien moins post-conciliaire que post-wojtylienne, le doute n'est plus permis : les hommes d'Eglise ont vraiment de plus en plus tendance à vouloir

- que l'Eglise catholique ne soit plus avant tout annonçante, confessante, vigilante, courageuse, dissensuelle, en position debout, en présence des religions non chrétiennes,

- que l'Eglise catholique soit seulement conversante, dialoguante, bienveillante, conciliante, consensuelle, en position assise, en compagnie des religions non chrétiennes.

Comment voulez-vous qu'un catholicisme à la fois contemporain, sous l'angle chronologique, et postmoderne, sous l'angle axiologique, et qu'il n'est pas impossible de considérer comme étant à la fois post-missionnaire et post-orthodoxe, soit une source de motivation et d'orientation dynamisante, en vue d'un optimum de vocations religieuses et sacerdotales, notamment en Europe occidentale ?

Bon dimanche.

Scrutator.

     

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 "Nous refusons de suivre la Rome moderniste!" par Miserere  (2017-07-22 14:22:32)
      Merci pour cet extrait ! par Ennemond  (2017-07-22 14:45:41)
      Merci de ce rappel par Ewe  (2017-07-22 16:40:52)
          D'où l'absence "d'effet Jean-Paul II" en Europe occidentale. par Scrutator Sapientiæ  (2017-07-22 21:57:18)
              Très juste cher Scrutator par Aigle  (2017-07-22 23:01:28)
                  Je vais essayer de vous répondre. par Scrutator Sapientiæ  (2017-07-23 10:02:48)
      Quelques remarques complémentaires. par Scrutator Sapientiæ  (2017-07-22 22:59:41)


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