Dialogue du réconfort dans les tribulations de Saint Thomas More

Le Forum Catholique

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ami de la Miséricorde -  2017-08-03 22:46:43

Dialogue du réconfort dans les tribulations de Saint Thomas More

XIV. LA MANIE DU SCRUPULE

ANTOINE (...) Mais, en mon âme et conscience, il vaut certainement plus de cent sols, aussi n'y puis-je toucher. Cet autre cheval, qui est vivant, doit valoir une forte somme, les chevaux coûtent cher dans ce pays, surtout quand ils vont l'amble comme celui-là, car je vois qu'il ne trotte pas, c'est à peine s'il déplace une patte. Je le laisse, car il vaut sûrement plus de cent sols. Mais les vaches abondent en ces parages. Beaucoup de vaches, mais pas beaucoup d'argent. Si je tiens compte de l'abondance des bovidés et de la rareté de l'argent, il me semble que cette vache ne vaut guère plus de trois francs ; son veau ne doit guère coûter plus de vingt sols. Adonc puis-je fort bien me permettre de les manger tous les deux sans pour cela manquer à ma pénitence. »

Si les animaux d'aujourd'hui pouvaient parler comme la mère Maud prétendait qu'ils le faisaient alors, quelques-uns en raconteraient certainement d'aussi sottes. Un court sermon aurait tout aussi bien fait notre affaire, mais si puérile que paraisse cette histoire, elle nous est utile : elle nous enseigne que mieux vaut être trop scrupuleux que trop peu, bien que ce soit parfois pénible, comme nous l'avons vu pour le pauvre âne. C'est également meilleur que d'avoir une conscience élastique, ajustée au gré de la fantaisie et des commodités, comme celle du loup.

De telles gens n'ont pas besoin de consolation, nous n'en parlerons pas. Mais que celui qui pâtit d'un excès de scrupules prenne bien garde, en évitant un péché d'être tenté d'en commettre un autre : il tomberait ainsi de Charybde en Scylla. Le bateau qui entre dans un port à l'entrée duquel se trouvent de dangereux écueils sous-marins doit être dirigé par un habile pilote, qui le guidera d'une main sûre dans la passe. Il en va de même des âmes scrupuleuses : elles doivent se soumettre aux conseils avisés d'un directeur de conscience.

Et même si le scrupuleux est un théologien, qu'il imite les docteurs en médecine ! Un médecin, même très versé dans son art, prendra, s'il est malade, l'avis de ses confrères, il se mettra entre leurs mains. Il a bien des motifs d'agir ainsi. Un de ces motifs est la peur qu'il éprouve au sujet de lui-même ; certains symptômes risquent de l'effrayer plus que de raison.

En l'occurrence, il serait préférable qu'il ignorât tout de la médecine.

J'ai connu dans cette ville un des médecins les plus éminents, homme très expert, qui réussissait des cures merveilleuses. Il tomba lui-même gravement malade. J'entendis alors les confrères qui le soignaient souhaiter que ce savant praticien n'eût aucune connaissance en thérapeutique. Pourtant chacun de ses confrères avait recours à lui quand eux-mêmes étaient malades. Mais pendant cette grave maladie, il s'effrayait de chaque symptôme et cette frayeur lui faisait grand tort. (...)

Source : livres-mystiques.com

Que Jésus Miséricordieux vous bénisse
ami de la Miséricorde
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