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Le cardinal Ratzinger et le charisme de Pierre (2)
par BK 2017-10-19 15:19:40
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"Tes pensées ne sont pas celles de Dieu, mais celles des hommes."

La tension entre le don qui vient du Seigneur et les capacités personnelles devint d'une évidence renversante.

D'une certaine manière, c'est tout le drame de la papauté qui est ici anticipé, où se mêlent toujours les deux éléments suivants : d'une part la papauté, en vertu d'une force qui ne vient pas d'elle-même, demeure le fondement de l'Eglise, et d'autre part on trouve des cas isolés de papes qui, poussés par leur tempérament, sont périodiquement cause de scandale, parce qu'ils veulent précéder le Christ plutôt que le suivre ; parce qu'ils croient, avec leur logique humaine, qu'ils doivent Lui préparer la route que Lui seul, au contraire, peut déterminer.

En ce qui concerne la promesse que le pouvoir de la mort ne l'emporterait pas sur le roc (ou sur l'Eglise ?), nous trouvons un parallèle dans la vocation du prophète Jérémie, qui entendit, au début de sa mission, ces paroles : "Voici que moi, aujourd'hui même, je t'ai établi comme une ville fortifiée, colonne de fer et rempart de bronze devant tout le pays : les rois de Juda, ses princes, ses prêtres et le peuple du pays. Ils lutteront contre toi, mais ils ne pourront rien contre toi, car je suis avec toi pour te délivrer." (Jr 1,18 sq.)

Vraiment, la promesse faite à Pierre est encore plus grande que celle faite au prophète de l'Ancienne Alliance : celui-ci ne se heurtait qu'aux forces qui viennent de la chair et du sang ; Pierre se trouve affronté aux forces de l'enfer, aux puissances destructrices des abîmes.

Jérémie ne reçoit qu'une promesse personnelle en vue de son ministère prophétique ; Pierre obtient une promesse pour l'assemblée du nouveau Peuple de Dieu, qui s'étend à toutes les époques - une promesse qui déborde le temps de son existence individuelle.

Le roc ne sera pas écrasé, car Dieu n'abandonnera pas son Ecclesia aux puissances de la destruction.

Le pouvoir des clefs renvoie à la parole de Dieu adressée à Elyaquim en Is 22,22. Celui-ci reçoit les clefs avec "la seigneurie et le pouvoir sur la maison de David".

Mais les paroles du Seigneur aux scribes et aux pharisiens qui se voient reprocher de fermer aux hommes le Royaume de Dieu (Mt 23,13) nous aident également à comprendre le contenu de ces paroles sur la charge : puisque Pierre est un fidèle administrateur du message de Jésus, il ouvre la Porte du Royaume des Cieux ; c'est à lui qu'appartient la fonction de portier qui doit juger s'il accueille ou s'il refuse d'accueillir (Ap 3,7).

Ainsi, la signification des propos sur les clefs nous rapproche clairement de ceux sur le pouvoir de lier et de délier. Cette dernière expression est empruntée au langage rabbinique et signifie, d'une part, la pleine autorité dans les décisions doctrinales, et d'autre part, elle traduit aussi le pouvoir disciplinaire, c'est-à-dire le droit d'infliger ou d'enlever l'excommunication.

Le parallélisme "sur la terre et dans les Cieux" indique que les décisions ecclésiales de Pierre ont également valeur devant Dieu, idée que l'on rencontre sous une forme semblable dans la littérature talmudique.

Si nous faisons un rapprochement avec les paroles de Jésus ressuscité dans Jn 20,23, il devient évident que l'on entend essentiellement par pouvoir de lier et de délier l'autorité suprême de remettre les péchés confiés à l'Eglise en la personne de Pierre (cf. aussi Mt 18,15-18).

Il me semble que c'est là un élément d'une très grande importance.

Au cœur même de cette nouvelle charge, qui enlève le pouvoir aux puissances de la destruction, il y a la grâce du pardon.

C'est elle qui constitue l'Eglise.

L'Eglise est fondée sur le pardon.

Pierre lui-même en est l'exemple personnalisé : lui qui, après avoir trébuché, a reconnu sa faute et reçu le pardon, est habilité à détenir les clefs.

L'Eglise est, par son essence, le lieu du pardon et le chaos en est banni.

Elle est maintenue par le pardon, et Pierre en est l'image pour toujours : elle n'est pas une communauté de parfaits, mais une communauté de pécheurs qui ont toujours besoin du pardon et qui le cherchent.

Derrière le discours sur l'autorité suprême, la puissance de Dieu se révèle être miséricorde, et en tant que telle pierre angulaire de l'Eglise.

Nous entendons en arrière-plan ces mots du Seigneur : "Ce ne sont pas les bien-portants qui ont besoin du médecin, mais les malades : Je ne suis pas venu appeler les justes mais les pécheurs." (Mc 2,17)

L'Eglise ne peut naître que là où l'homme rejoint sa vérité, et cette vérité consiste précisément dans le fait qu'il a besoin de la grâce.

Là où l'orgueil l'empêche d'accéder à cette connaissance, il ne trouve pas le chemin qui mène à Jésus.

Les clefs du Royaume des Cieux sont les paroles du pardon, que bien sûr aucun homme ne peut prononcer de lui-même, mais que seule la puissance de Dieu rend effectives.

Nous sommes maintenant en mesure de comprendre également pourquoi cette péricope est suivie immédiatement d'une annonce de la Passion : par sa mort, Jésus a barré la porte à la mort, à la puissance des enfers, et ainsi Il a expié toutes les fautes, de sorte que de cette mort sourd continuellement la force du pardon.

Joseph, cardinal Ratzingr, Appelés à la communion, Comprendre l'Eglise aujourd'hui

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