Une tentative de réponse

Le Forum Catholique

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Signo -  2017-08-10 20:03:03

Une tentative de réponse


Mais j'avoue que les raisons profondes pour lesquelles les clercs concernés, après en avoir aperçu les conséquences désastreuses, à l'issue des années 1960-1970, ont délibérément et volontairement persisté, dans la même direction suicidaire, non seulement dans les années 1980 et 1990, mais aussi depuis le début du XXI° siècle, m'échappent quelque peu, aussi je vous remercie pour toute réponse.



Je pense qu'il s'agit pour cette génération d'un problème de fond qui remonte à des problèmes profonds qui caractérisaient l'Eglise avant le Concile:
- durant cette période (années 1950) il y avait encore beaucoup de vocations mais je pense que beaucoup de ces jeunes choisissaient le sacerdoce pour de mauvaises raisons;
- la formation dans les séminaires était souvent très déficiente: un cadre très rigide (comme dans toute institution de formation à l'époque), apprentissage de rites complexes à restituer au millimètre près sans en faire comprendre le sens profond et la signification pour la foi, règles souvent exagérément sévères (par exemple interdiction formelle d'absorber quoique ce soit pendant le jeûne eucharistique, pas même un verre d'eau!). Je pense que dans ces séminaires on formait non pas des prêtres aux convictions chrétiennes solidement enracinées, mais des fonctionnaires de la foi dont le critère d'évaluation est l'aptitude à restituer de manière mécanique un rituel liturgique dont seuls quelques théologiens érudits comprenaient encore le sens; évidemment il faudrait nuancer, mais je pense qu'il y a là quelque chose d'exact.

Conséquence: une génération entière a voulu rejeter (en partie à juste titre) ce modèle autoritaire et contraignant; parallèlement, c'est toute une société (surtout la jeunesse) qui aspirait à se libérer des contraintes pesantes de l'ancien monde qui tranchait avec les très séduisantes idéologies (marxisme,tiers-mondisme) et le mode de vie moderne importé d'Amérique.
Cette génération de chrétiens a donc jeté le bébé avec l'eau du bain, d'autant que souvent elle n'avait pas l'armature intellectuelle -et spirituelle- suffisante pour résister aux sirènes du Progrès et conserver l'essentiel de la Tradition chrétienne. La réforme conciliaire fut le prétexte (et non pas la raison, car ce qui a été mis en oeuvre dans les diocèses ensuite ne correspond en rien aux enseignements du Concile, ce qui est facile à démontrer) pour jeter 20 siècles de christianisme aux oubliettes.

Pour ce qui est de la suite, d'abord il faut bien constater que cette génération de rupture (sauf rares exceptions) n'a jamais vraiment réalisé que ces options ultra-progressistes menaient l'Eglise et la foi chrétienne à la catastrophe; elle a été tellement traumatisé par les rigidités de l'Eglise d'avant Vatican II que pour rien au monde elle ne souhaiterait revenir en arrière, même sur des points pour lesquels il est évident qu'elle est allé beaucoup trop loin! C'est pour cela que les gens de cette génération ne comprennent pas que, par exemple, beaucoup de jeunes prêtres remettent aujourd'hui la soutane: ils pensent que c'est un retour à l'Eglise d'autrefois, preuve qu'ils ne comprennent rien à cette soif de spiritualité traditionnelle, qui est totalement nouvelle, bien qu'elle nécessite de revenir à certaines formes anciennes.


Souvent, il est vrai, on entend ce discours qui oppose christianisme authentique et catholicisme traditionnel. C'est absurde, mais cela s'explique par le fait que cette génération de rupture ne voyait plus le lien qu'il y avait entre les Evangiles et, par exemple, les rites liturgiques traditionnels. Et de fait, le caractère "sclérosé" (le terme est de Mgr Lefebvre lui-même...) de la liturgie de l'avant concile obscurcissait le fait qu'elle s'enracine bien dans l'Ecriture sainte, aussi bien dans sa lettre que dans son esprit.

Aujourd'hui, quand j'assiste à la liturgie telle qu'elle est célébrée au Barroux, à Fontgombault, ou bien à une Divine Liturgie orientale, je suis frappé de voir à quel point liturgie et Ecriture forment un tout cohérent et harmonieux, l'une se développant à partir de l'autre dans un processus que je qualifierait d'organique. Mais cette réalité ne se voyait plus à la veille des réformes des années 1960. L'Eglise donnait l'impression d'avoir déformé par ses rites et ses traditions le message chrétien originel.
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