En face de la vue macroscopique, il y a pour ainsi dire la vue microscopique, celle qui regarde de près ; et, à y regarder de près, on ne peut pas nier que presque tous les conciles ont d’abord eu pour effet d’ébranler l’équilibre, agissant comme facteurs de crise. Le concile de Nicée, qui avait mené à bon terme la formulation de la filiation divine de Jésus, a été suivie d’une guerre d’usure qui a occasionné la première grande cassure de l’Église, l’arianisme, après avoir déchiré l’Église dans ses profondeurs durant des décennies.
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Ainsi l’évolution critique consécutive à Vatican II se situe dans une longue histoire ; elle n’a pu vraiment susciter l’événement que parce que l’enthousiasme des débuts avait masqué les expériences du passé ; et peut-être aussi parce qu’on croyait avoir fait tout de façon différente et meilleure : un concile qui ne dogmatisait pas et n’excluait personne semblait ne pouvoir heurter personne, ne répugner à personne, mais seulement attirer tout le monde. En vérité, il ne lui est rien arrivé d’autre qu’aux assemblées d’Église qui l’avaient précédé ; personne ne peut sérieusement contester les manifestations de crise auxquelles il a conduit.
Bien sûr, il reste des résultats clairement positifs qu’on n’a pas le droit de minimiser. Pour nous en tenir aux résultats théologiques les plus importants, le Concile a réinséré dans l’ensemble de l’Église une doctrine de la primauté qui restait encore dangereusement isolée ; il a réintégré dans le mystère du Corps du Christ une conception de la hiérarchie trop isolée elle aussi. Ila rattaché au grand ensemble de la foi une mariologie isolée. Il a rendu à la parole biblique la plénitude de son rang. Il a rendu la liturgie à nouveau accessible. Et avec tout cela il a fait aussi un pas courageux dans le sens de l’unité des chrétiens.
Il se peut que plus tard, dans un regard macroscopique de la période de Vatican II, seuls ces résultats entrent en compte, et qu’il y ait aujourd’hui des hommes qui pour ainsi dire vivent déjà dans la macro perspective et jugent à partir d’elle.
Joseph Ratzinger (Les Principes de la Théologie Catholique)